ODA fait un point sur l'évolution des flux de céréales dans le monde et sur les opportunités pour les agriculteurs français en cette fin de mois d’août

Décisions politiques concernant les exportations sur la Mer Noire

Mercredi, trois pays de la Mer Noire ont pris la décision de ne pas bloquer leurs exportations de blé. Le Kazakhstan a refusé la demande russe de stopper ses exportations. En effet, il n’est pas obligé de faire transiter ses blés par la Russie pour exporter puisqu’un bon nombre de ses clients se situent en Asie du Sud Est ou au Moyen Orient. Le Kazakhstan a une capacité d’export de 6MT (contre 7,8MT l’année dernière). La Biélorussie, dont le potentiel d’export n’est que de 300KT a également refusé de stopper ses exports. Concernant l’Ukraine, le gouvernement décidera le 25 août prochain si des quotas d’exports de blé et d’orge seront mis en place. Le ministère propose un quota de 2,5MT dont 1,5MT de blé et 1MT d’orge du 1er septembre au 31 décembre 2010. Il est fort probable que ces contingents soient mis en place car la décision sera prise par le Président ukrainien Victor Yanukovich, très proche du pouvoir russe. Le pays a déjà utilisé des contingents (en 2007) et il voudra éviter de se retrouver dans une situation de pénurie en deuxième partie de la campagne qui pourrait être la conséquence d’exports trop importants. D’ici là, les chargements peuvent se faire mais les navires sont bloqués dans les ports par de nombreux contrôles et les exportateurs refusent de prendre des positions.

Réorganisation des flux de céréales dans le monde

L’interdiction russe a provoqué un bouleversement puisque leur potentiel d’export de blé pourrait être réduit de plus de 15MT par rapport à l’année dernière. Cela est d’autant plus vrai car la Russie avait réalisé de nombreux contrats (Egypte, Bangladesh…) qui ont été annulés et pour lesquels les acheteurs se sont reportés sur d’autres origines. Dans ce contexte, quelles sont les disponibilités possibles ?

A très court terme, seuls les USA et l’Union Européenne peuvent alimenter le marché mondial en blé de qualité.

Les USA bénéficient des disponibilités les plus importantes et pourront alimenter le marché mondial au cours de la campagne ; ils peuvent exporter 10MT de plus que l’année dernière. Les prix sont compétitifs (le blé américain sur Décembre 2010 est décoté de 7,4€/T à Chicago par rapport à l’échéance Novembre 2010 sur Euronext et le FOB Golfe du Mexique est décoté de 17€/T par rapport au FOB Rouen pour une livraison octobre). D’ailleurs, les exports hebdomadaires sont très soutenus (4,5MT en 4 semaines sur un objectif de 33MT sur l’année).

En Europe, notre récolte moyenne et la dégradation des qualités en Allemagne limitent la possibilité de fortement augmenter les exports. Il y a du blé de qualité en France. La seule solution est d’importer du maïs argentin ou du blé fourrager anglais afin de pouvoir exporter du blé meunier français. C’est ce qu’il se passe depuis un mois mais à un rythme encore insuffisant d’autant plus que le maïs argentin vient de monter de 25$/T en quelques jours et que le fret a progressé.

L’Argentine devrait disposer d’un potentiel d’export en blé plus important que l’année dernière (+2,5MT). Cependant, dans le meilleur des cas, ce ne sera pas avant début 2011 (récolte à partir de décembre) et le risque du développement de La Nina sur le pays est bien présent.

En Australie, la récolte est encore loin (à partir de novembre) et les risques climatiques sont encore présents. A l’ouest de l’Australie, les réserves hydriques sont très basses et la production pourrait être affectée (-2,5MT sur les 8MT qui y sont produites). Les réserves hydriques sont suffisantes dans les autres Etats à l’est ce qui pourraient compenser en partie ce manque de production. Cependant, une forte concentration de criquets est décelée dans le sud-est de l’Australie. La protection sanitaire est difficile et les préjudices en cas d’attaque sont importants. Ainsi, une baisse de production ne doit pas être écartée.

Enfin, le Canada supporte le risque le plus fort car les semis ont été tardifs et l’humidité est très importante. Les cultures sont en retard (1% récoltées), souffrent de maladies et pourraient être endommagées par les premières gelées.

Situation des prix en Europe

L’activité portuaire française est importante et les bases sont positives sur les ports. Le blé meunier à Rouen s’échange aujourd’hui 10€/T de plus qu’Euronext. A La Pallice, le blé meunier est en prime de 12€/T par rapport au marché à terme. Cela témoigne d’une forte demande immédiate pour l’export. La structure des prix sur le marché à terme du blé Euronext en inverse montre aussi que les opérateurs cherchent actuellement des disponibilités (l’échéance Novembre 2010 vaut 3,5€/T de plus que l’échéance Mai 2011). Cela signifie qu’il faut alimenter le marché physique du blé.

Situation des autres céréales

D’un point de vue global, l’incertitude concernant le potentiel de rendement du maïs américain s’estompe peu à peu. En effet, la période floraison est terminée alors que les conditions climatiques ont été globalement correctes cet été. L’état des cultures est jugé bon à excellent pour 69% des cultures (68% l’année dernière à la même date). De plus, le crop tour américain, auquel nos collaborateurs participent cette semaine, confirme cette situation même si le rendement ne devrait pas dépasser les 165bu/acre compte tenu de problèmes de fécondation consécutifs aux températures nocturnes élevées.

Selon ODA, "en conclusion, la rétention contribue à faire monter les marchés physiques, de manière considérable, à notre avis, au regard des valeurs du contrat blé Euronext à Rouen. Il y a tout lieu de penser que nous observerons une convergence des prix sur les ports français lors de l’échéance des contrats de novembre. Depuis notre analyse du 6 août dernier, les prix sont restés très volatils au fil des annonces. Cette structure des prix dans le monde a permis de commencer à réorganiser les flux mais la demande internationale reste présente. Nous pensons qu’il faut profiter de cette demande pour alimenter maintenant le marché physique quitte à se protéger d’un manque à gagner trop lourd en se couvrant avec des options calls. Cette proposition stratégique se justifie par les incertitudes canadienne, australienne, et d’Argentine en ce qui concerne la production et les incertitudes russes et ukrainienne en ce qui concerne la politique.

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